Le parfum des pins
(Vaucresson, 17h 40)
Un jour, j’ai pris un gars en stop.
C’était il y a longtemps , je roulais en R 16. Une R 16 TX grise. L’ancienne voiture de mon père.
Le gars avait les ongles noirs et le col élimé.
J’allais vers l’ouest, vers la mer.
Il m’a dit: Laissez moi là où vous ne verrez plus une seule maison…
Nous avons longtemps roulé en silence. Il y avait toujours une maison quelque part dans le paysage.
Puis il a parlé, à nouveau: Ça ne vous dérange pas si j’ouvre la vitre?
Non, ai-je répondu, j’aime quand il y a de l’air.
Moi aussi. Vitres électriques, le luxe… R 16 TX….Mon père avait la même voiture… Verte.
Ben ça! Celle ci c’était celle de mon père. Il me l’a donnée.
Moi le mien, il ne m’a pas donné grand-chose, ou plutôt si, un sale désir, une envie de….
Il s’est tu. Il regardait défiler les arbres, les champs et les maisons.
Putain! Y a toujours quelqu’un quelque part dans ce pays!
Si vous voulez un endroit sans aucune habitation, il va falloir que je me détourne de ma route.
Vous feriez ça?
Pourquoi pas, j’aime l’imprévu.
Nous avons roulé encore quelques heures. Puis nous nous sommes arrêtés sur un chemin de sable au milieu des pins. Il y avait bien une demi heure que nous n’avions pas vu une seule maison.
C’est bien là… Merci, m’a-t’il dit en descendant.
Puis il s’est retourné, et a rajouté en se penchant à la portière:
Vous savez j’aurai pu vous…Enfin, c’est pas…Je m’appelle Jean… Je me suis échappé… D’un roman noir…
Et il a disparu entre les pins et les fougères.Je suis resté là comme un con à écouter le bruissement du vent à la cime des arbres. Jamais je n’avais remarqué à quel point le parfum des pins était puissant.
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