Coffres-forts
(Verteuil-sur-Charente, Charente, 7 avril 2017)
Chez les Giffard, on vendait des coffres forts depuis plus d’un siècle. Lucien avait pris la relève de son père, non sans hésitation. Il pressentait qu’un jour la monnaie ne serait plus que virtuel et les coffres numériques. La maison Phoenix. C’est son arrière arrière grand-père qui avait baptisé ainsi l’entreprise. Œuvrant auparavant dans les vins et spiritueux, ses entrepôts et sa maison avait pris feu. N’avait été épargnée qu’une boite de métal contenant une forte somme d’argent. C’est ainsi qu’il put renaître de ses cendres en créant sa fabrique de coffres-forts.
Pour Lucien, ces dernières années furent catastrophiques. Il se sentait de plus en plus seul, passé de mode. Il n’osait même plus dire qu’il vendait des coffres-forts, il se sentait ridicule, les femmes se moquaient de lui, il se renfermait dans sa boutique dont la porte et le téléphone ne tintaient que très rarement. Il ne tarderait pas à bientôt déposé le bilan. Il serait alors celui qui mettrait fin à cette dynastie d’entrepreneurs.
Il passait de plus en plus de temps devant son ordinateur à regarder les mêmes images en boucle.
Depuis un mois c’était des images de rond-points occupés, de manifestations violemment réprimées, de discours à sens unique, des images souvent violentes, de moins en moins de chats, quelques dessins humoristiques parfois, et ces demandes d’amies sur Facebook de jeunes femmes publiant des photos pornos.
Et puis l’autre jour après avoir entendu pour la Nième fois le président de la république remettre un peu d’huile sur le feu, il lu quelques billets où certains appelaient à retirer leur argent des banques.
Soudain il reprit espoir. Il lâcha son ordinateur, fit du ménage dans sa boutique. Les affaires allaient reprendre, il en était sûr, la situation allait empirer et il y aurait beaucoup de choses à mettre en sûreté. On reviendrait le voir, on viendrait de tous bords, riche ou pauvre. Il serait prêt à faire crédit à un pauvre qui veut préserver ses maigres économies, avec intérêt bien sûr, il faudrait créer de nouveaux modèles, plus grand, plus résistants pour les puissants. Bientôt les femmes cesseraient de se moquer de lui.
Lucien se frottait les mains, la maison Phœnix n’était pas morte.
Mon voisin s'appelait Monsieur Phoenix, il ne vendait pas des coffres, il était retraité. Ce n'était pas les femmes qui se moquaient de lui mais ces fils quand il prétendait avoir des dons de guérisseur. Pourtant, moi, je sentais bien quand il me serait la main...
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