La beauté de l'aube
(Saint-Denis-lès-Martel, lot, 13 décembre 2018)
Cinq jours par semaine, prendre le train à l’aube, saluer les mêmes visages vieillissant au fil des ans, parler du temps qu’il fait, des nuits du petit dernier, de la maladie du vieux, regarder le jour se lever, s’extasier de la beauté du pays, marcher vers l’usine avec les collègues, les mots du boulot prenant la place des mots de la maison, prendre un café « avec », fumer la première cigarette, râler, glisser sa carte dans la pointeuse, râler à nouveau puis plaisanter, ouvrir son casier de métal, enfiler son bleu, prendre son poste, refaire les même gestes, avoir mal, au coude, à l’épaule, au dos, à la pause fumer la deuxième cigarette, boire un café « sans », reprendre son poste….
Chaque soir, après avoir ôté ses chaussures et embrassé sa femme, dire: « Putain de boulot! »
Puis un jour à 62 ans, après avoir reçu une jolie prime et quelques cadeaux, après avoir trinqué devant le casier portant un nouveau nom, le manque, le corps qui réclame ses habitudes, la tête qui tourne en rond en absence de contraintes.
Et cette question: pourquoi l’aube me semblait plus belle lorsque j’étais obligé de me lever?
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