Départ
Clément a mis son costume du dimanche, veste et pantalon de grosse toile noire, chemise de lin blanc, épaisses chaussettes de laine et galoches. Son sac était prêt depuis hier soir. Il y a juste rajouté ce qu’il restait de pain et de fromage, enveloppé dans un torchon. Il est parti à l’aube, sans un bruit. Il est monté jusqu’à l’arbre, vite; il a vingt cinq ans et des jambes de coureur des bois.
Là-haut il a longtemps regardé sa maison au creux du vallon. Il a sorti son couteau et s’apprêtait à graver la date sur l’écorce, le 29 mai 1884. Mais au moment de piquer le tronc, il a trouvé cela ridicule, alors il a relevé son couteau et a fait quelques gestes dans le vide devant lui, comme s’il voulait découper de petits bouts de paysage pour les emporter avec lui en plus de l’entêtant parfum de la terre mouillée.
Puis il est parti en sifflotant sur la route d’Albi. Albi, Montauban, Agen, Marmande et enfin Bordeaux. Et là, il s’embarquera pour l’Argentine, comme tant d’autres du pays d’Olt, et il ne reviendra pas, il en est sûr…
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