lundi 1 mai 2017


À Bareille


À Bareille, la ferme était accolée au  « Château ». Vivaient là, Jean et Antoinette, leur fils Joseph et sa femme Alice. C’était un temps où dans les campagnes les vieux restaient  chez eux jusqu’à la fin. L’ainé y vivait avec femme et enfants, tout ce petit monde cohabitait,  les enfants aux côtés des vieillards. Le reste de la famille n’était jamais très loin. Ce n’était pas toujours facile, mais on se débrouillait.
Le vieux Jean avait perdu un bras à la guerre. C’est lui qui gardait les vaches, sur les pentes derrière la ferme. Il sortait le troupeau, environ huit têtes, au petit matin et le rentrait le soir, pour la traite. Il passait  la journée sous un abri de planches, à flanc de prairie.
Le dimanche, avec Antoinette, ils allaient à l’église, à deux kilomètres de là, sur un tricycle à moteur biplace, sans doute un Automouche Monet-Goyon.
Enfant, je passais une partie de l’été au « Château ».  Joseph était un homme  rieur à l’embonpoint  généreux. Je ne ratais pas une occasion pour l’accompagner aux champs,  juché sur le tracteur ou la charrette, ou pour le regarder traire dans la pénombre de l’étable.
Ces journées au grand air m’exaltaient. Il y avait là tant de paix.
Et pourtant dans l’étable Il y avait la douce odeur de la bouse mais aussi le parfum âcre de la pisse.  Dans la maison Il y avait Alice toujours debout derrière Joseph, à son service, après avoir passé la journée aux champs elle aussi.
Le dimanche il y avait l’Automouche qui pétaradait, mais il y avait aussi l’épingle à nourrice qui retenait la manche de la veste de Jean  à son coté gauche, tandis qu’il conduisait de sa seule main droite.
 À  Bareille je m’enivrais  du parfum des herbes et des arbres et devenais un peu moins ignorant.

(Sur la route entre Carmaux et Saint-Cirgue, Tarn, 25 avril)

2 commentaires:

  1. A Bareille, n'y avait-il pas une famille Ortet avec une fille qui se nommait Marie-Françoise ? Parce que, vois-tu, nous étions copine au collège et c'est avec sa mère que je suis allée pour la première fois voir un opéra au Capitole, Faust (j'ai encore le liret !)

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    1. Possible, je ne l'ai pas connue, mais je me renseignerai, Bareille est un très petit hameau.

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