samedi 17 mars 2018



Gérald


Le cousin Gérald, l’ami Gérald s’est fait la malle la semaine dernière, fauché par un AVC. 60 ans. Ce n’est pas juste me dit ma mère qui, à 93 ans, est en pleine forme.
 Nous étions des gamins, nous nous voyions à Hendaye, nos grands parents y avaient des maisons. Gérald dessinait beaucoup. Il me montrait  le Blueberry de Jean Giraud en disant: c’est ça que je veux faire plus tard. Je lui disais: moi, je veux faire du théâtre. Nous rêvions d’aventure. Il est devenu dessinateur et enseignant, je devenais comédien. Nous avons longtemps cheminé sans nous voir. Nous nous sommes revus à Hendaye il y a une dizaine d’années. J’ai découvert son travail, ses bandes dessinées, sa passion pour le Vietnam. Professeur de bande dessinée à l’EESI d’Angoulème, il avait initié un master de bande dessinée à Hanoï où il se rendait souvent.
C’était l’un de nos principaux sujets de conversation. Il me parlait du Vietnam, je lui parlais de la Guyane. Nous nous retrouvions chaque été avec nos compagnes. Je me disais, lui c’est un vrai aventurier. Je me demande s’il ne se disait pas la même chose à mon sujet, moi qui ne suis qu’un cow-boy de papier. Dans l’un de ses ouvrages apparaissait mon grand-père qui avait vécu au Vietnam. Nous parlions beaucoup de la famille. Je ne sais plus qui disait que l’on passe la moitié de sa vie à s’éloigner de sa famille et l’autre à s’en rapprocher.
Depuis une semaine je parcours les routes des Deux-Sèvres, Vendée et Maine-et-Loire en jouant dans les écoles. Je parcours les routes sous des cieux tourmentés magnifiques quand perce le soleil. Mercredi, je n’ai pas joué. Nous avons célébré la mémoire de Gérald à Angoulème. les émouvants témoignages de ses collègues et élèves  disaient à quel point il était apprécié.
Le lendemain je repartais sous la pluie.
Et puis vendredi, après le dernier spectacle dans la région, je découvre ce parc oriental à Maulévrier, à deux pas de l’école où je viens de jouer. Je m’y promène seul. Aux averses je me réfugie sous les arbres taillés à la japonaise. Comment ne pas voir Gérald, lui qui aimait tant l’Asie, le voir dans la forme des arbres, dans les lions de pierre, dans les roches posées, dans les mousses et lichens, dans le temple khmer et le pont rouge.
Peu avant la fermeture il tombait de fines gouttes de pluie en même temps qu’apparaissait le soleil. Des gouttes qui piquetaient  l’étang. L’eau et la lumière, en même temps. La pointe d’un pinceau, l’aquarelle, pour me parler du Vietnam. Salut l’artiste.



(Maulévrier, Maine-et-Loire, 16 mars)

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