Le Rosier des chiens
(Sur la N149 entre Poitiers et Parthenay, 7 mars)
Un, le Bouleau verruqueux, deux l’Aubépine à deux styles, trois, le Cornouiller mâle, quatre, le Peuplier tremble, cinq, la Bruyère à balais, six, le Cerisier de Sainte-Lucie…
Marin lisait des livres, Marin était curieux, Marin cherchait à comprendre, Marin n’était pas d’accord. Un jour, on a forcé sa porte, on a fouillé sa maison, déchiré ses livres. On lui a mis des fers aux pieds,
Sept, la Callune commune, huit, le Fusain d’Europe, neuf, le Chêne Rouvre, dix, le Fragon piquant,
onze, le Saule pourpre, douze, la Viorne lantane…
Marin a vidé ses poches. On lui a pris sa montre, son couteau et ses crayons. On lui a ôté sa ceinture et ses lacets. On ne lui a rien dit. On l’a enfermé. Quatre murs de pierre, une porte de fer, un soupirail.
Treize, le Daphné garou, quatorze, l’Épine noire, quinze, le Pommier sauvage …
Marin a retiré un clou à sa chaussure. Chaque jour avec le clou, il creuse la pierre. Un trait, chaque jour. Marin gratte la pierre. A chaque trait un arbre, un arbuste. Marin raconte.
Seize, Le Rosier des chiens… Marin dit l’épine brune qui égratigne le marcheur, les folioles dentelées qui vont par cinq ou sept, la fleur blanc-rosé à cinq pétales qui attire l’abeille, les cynorhodons rouges vif qui irritent la peau, Marin dit, tache de ne rien oublier.
Seize jours déjà. Quand il aura dit les arbres et les arbustes, il dira les insectes, puis les oiseaux, puis les bêtes à poils. Il dira les fermes, les chemins, les villages. Il dira les hommes… il grattera la pierre, il dira les hommes, les femmes, il grattera la pierre, il dira les noms, il dira son pays, tout son pays, jusqu’à ce qu’il sorte.
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