11 novembre
(Vayrac, Lot, 18 octobre)
Elle l’appelle mon grand, mon pioupiou, mon artilleur. Depuis qu’il est rentré du désert, il ne supporte ni le bruit, ni la lumière, il a la main qui tremble comme s’il jouait de la guitare.
C’est dimanche, 11 novembre. Elle est assise, bien droite, immobile, devant le poste de radio. Son grand est debout derrière elle, bien droit lui aussi. Il a posé sa main calme sur l’épaule de sa mère, l’autre ne cesse de s’agiter, bat des ailes contre son ventre. Tout semble figé dans l’obscurité du salon hormis cette main incontrôlable.
À la radio, le discours du président, la sonnerie aux morts, et puis la voix de la béninoise Angélique Kidjo:
Blewu wi iih
Doucement
Blewu wi iih
Doucement
Blewu wi mianda kpélo
Doucement, rentrez chez vous sain et sauf
…
Alors son grand, son pioupiou, son artilleur parle:
« Je me souviens de ma joue sur le gravier, le gravier brûlant, de la poussière blanche sur les rangers, je me souviens du sable dans la bouche, du sang sur le rocher, je me souviens du souffle des pales de l’hélicoptère. »
Ce sont ses premiers mots depuis sont retour.
Elle ne veut pas qu’il la voit pleurer.
Elle se lève et arrange le bouquet d’hortensias à la fenêtre.
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