Ghislaine
(Saint-Céré, Lot)
Huit heures, pieds gelés, premiers froids, la voiture démarre en toussant, elle veut pas. C’est comme Ghislaine, pas envie, rester au lit, penser à rien, la nuit trop chaude, le pyjama mouillé, la ménopause, la paupière qui gonfle, la vie fripée. Il a bien fallu, elle s’est levée, manque des trimestres, on est pas au bout, faut y aller, le café qui brûle, la porte qui grince, la bagnole qui tousse.
Il y a la piqure de madame Cheval, la toilette d’Armand, le pansement d’Adrien, la prise de sang d’Étienne, la glycémie de Caroline, les escarres de monsieur Jean, les ulcères de Marie-Christine,
les levers, les contrôles, les couchers, Josiane, Éléonore, Gustave, le petit Paul, madame Chafoin,
Django, Jo le bougon, les papiers, les confidences, les remontrances, et parfois un baiser, un sourire, une étreinte, quelque chose de chaud, quelque chose qui dure, un peu.
Dix neuf heures, faut rentrer, dernière mise au lit, Ghislaine est décoiffée, elle a le dos cassé, le cœur griffé. Elle embrasse le vieux Django, un baiser sur le front, il la demande en mariage, encore une fois, elle s’en va.
Vingt deux heures, la voiture est garée, premier gel, y a le carton sur le pare-brise, demain faudra refaire le plein, c’est pas gagné.
Ghislaine s’endort en regardant les Soprano à la télé, Ghislaine s’endort, elle repense à Django, était-il beau, était-il doux? Ghislaine s’endort, un petit quelque chose de chaud au creux du ventre, un tout petit quelque chose de chaud.
Ghislaine s’endort.
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