vendredi 30 novembre 2018


Une feuille


(Vaucresson)

 Hier il restait trois feuilles au noisetier, aujourd’hui il n’y en plus qu’une.
Jean-Albert est sorti à 16h30, quand le soleil éclaire ce coin du jardin. Il s’est assis sur la chaise de fer blanche. Le métal était froid. Il a regardé ses mains tremblantes, couvertes de tâches brunes, les a glissées dans les poches de son gilet de laine.
Un vent léger éprouve la feuille. Jean-Albert repense à toutes ses années de luttes. La résistance à 18 ans. Ce jour où après avoir coupé un chêne au bord d’une route pour bloquer le passage, ils avaient été surpris par une patrouille allemande. Ils avaient fui dans les bois, l’un de ses camarades avait été rattrapé, ils ne l’avaient jamais revu. Ses années de militantisme à la JOC. Le jour où il a rencontré Adeline lors d’un congrès. Il étaient assis côte à côte, il s’était emporté au cours d’un discours, son fauteuil s'était cassé, elle avait eu un fou rire. Toutes ces grèves partagés, le bois cramé dans les bidons sur les piquets, les nuits froides et les matins d’espoir, les rages, les déceptions, les trahisons, les conquêtes.
Jean-Albert ne quitte pas la feuille des yeux. Elle résiste. Seule. l’après-midi est douce. Jean-Albert se dit qu’il va peut-être bien reprendre du service.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire