samedi 4 septembre 2021


À confesse

(Saint-Étienne-de-Baïgorry, Pyrénées -Atlantiques, 10 août, 17h 45)

Anna aimait bien ce jeune prêtre. Anna aimait écouter des histoires autant qu’elle aimait en raconter. Le père Luc lisait la Bible comme un conte et l’église ne désemplissait pas. Sa voix faisait danser le christ sur sa croix.

Jusqu’à ce que les guerres et la pandémie ébranlent la foi et la ferveur du curé. Celui-ci, trop sensible devant tant de misère sombra dans une lente dépression. Ses lectures à l’office devinrent d’une tristesse sans fond rythmée par les gémissements des martyrs.

Anna prit les choses en main. Il fallait faire quelque chose pour ce jeune homme, et pour la paroisse.

Elle vint à confesse plusieurs fois par semaine. Elle qui était irréprochable, s’inventait toutes sortes de péchés aptes à dérider le curé. Péchés de gourmandises, d’envie ou de luxure, il fallait de la légèreté, de la fantaisie, de la joie. Dans ses histoires les pâtisseries étaient des oiseaux, les sexes riaient aux éclats, les culs étaient joyeux, l’innocence était de mise, l’insensé était le fruit du hasard. On ne pouvait que s’étonner et sourire avant de pardonner.

Sans relâche, elle vint à confesse l’imagination de plus en plus débridée. Ainsi elle raconta comment elle se retrouva coincée au sommet d’un figuier, à cheval sur une branche, les mains tendus vers deux beaux fruits murs, le sexe trempé à trop se frotter au bois. Elle raconta sa surprise, interrogea l’homme d’église sur la conscience des plantes, elle lui dit combien le parfum du Céanothe évoquait l’amour, elle dit les nuits de printemps qui la désorientait complètement, elle lui dit son trouble devant un chien à qui elle offrait sa jambe pour qu’il s’y branle allègrement, elle lui dit les gâteaux volés à l’étal fondant dans la poche jusqu’à sucrer la peau.

Elle posa cette question à l’homme de foi: Est-il plus fort de vivre  la chose, ou de la raconter?

Elle n’eut pas de réponse, mais devina le sourire du prêtre à travers le treillis de bois du confessionnal.

Alors elle revint, inlassablement, jusqu’à ce qu’à ce que le christ danse à nouveau  sur sa croix. 

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