Musicien
(Villers-devant-Orval, 29 juillet, 17h 45)
Do, do dièse, deux coups frappés l’un après l’autre sur la citerne.
Jules recommence, do, do dièse, encore, la résonance dans la citerne vide ajoute un demi ton au deuxième coup.
Do, do dièse, encore une fois, la citerne est bien vide. Le bétail va manquer d’eau. Il faut prévenir le père. Le père n’en peux plus de cette eau qu’il faut aller chercher là où il y en a encore, il va gueuler, encore.
L’eau ne vient plus jusque chez eux, c’est comme ça, c’est venu petit à petit. Les pierres sont sèches et ternes dans le ruisseau, pas même un reflet. Il faut aller chercher l’eau, avec le tracteur, de plus en plus loin. Et le père crie de plus en plus fort.
Un jour un homme est venu chanter à la source tarie. On le disait sorcier, on disait de sa voix qu’elle pouvait faire rejaillir les sources, qu’elle pouvait ranimer la fécondité des femmes et hommes stériles, qu’elle pouvait réveiller les mémoires éteintes.
On l’a bien payé, ça n’a pas marché. L’homme avait pourtant prévenu, il faut écouter et croire. Seul Jules avait cru, confiant, envouté par le chant. Les autres non. Ça n’a pas marché, l’homme a du fuir. C’est lui qui avait enseigné les notes à Jules. Quand la citerne est vide, c’est un do.
Jules tape encore et encore, do do dièse silence do do dièse silence do do dièse silence….
Jules retarde le moment où il faudra parler au père, do do dièse…. C’est cela qu’il veut faire quand il sera grand, musicien, pas paysan….
Jules may still have to carry water as a musician... (Now I'm getting philosophical).
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