Cucurbitacées
(Potager du roi, Versailles, Yvelines, 20 octobre)
Chacune pensait être l’élue. Toutes s’étaient vues attribuer valets, robes et carrosses. Au bal du château ce fut un défilé de clones qui fit perdre la tête au prince. Peu avant minuit, dans un même élan les jeunes filles quittèrent le palais perdant l’une un soulier de verre, l’autre un soulier de vair, bref toutes un soulier. Le prince brisa les escarpins de verre sur la tête de son père, fourra les chaussons de vair dans la bouche de sa sœur et disparu dans la nuit. Dans les allées du château, ce fut un gigantesque embouteillage, minuit passa personne n’avait encore franchi les portes du parc, les cucurbitacées reprirent leurs formes originelles, les jeunes filles rentrèrent chez elles en boitillant, nues comme des vers, les hommes de la ville en furent bouleversés, les épouses se fâchèrent, partout des disputes éclatèrent, le royaume trembla sous les querelles, le roi désespéré se jeta du haut du donjon, la cour se dispersa par monts et par vaux.
Il ne resta au château que le jardinier, humble artisan qui parlait à ses courges. Il ne sut qui remercier de cette récolte miraculeuse, la fée, une débutante qui en avait un peu trop fait, s’était enfuie, effarée par l’ampleur du désastre.
Humble jardinier aux multiples pouvoirs: imagier des contes, pouvoirs de nous transporter plusieurs dizaines d'années en arrière et retrouver nos émotions enfantines, pouvoirs de nous offrir de délicieux mets que nous partageons avec bonheur.
RépondreSupprimerMichèle Y