samedi 7 octobre 2017


Le Vallon aux Perdrix


 (Feucherolles, Yvelines)

Les feuilles sèches bruissent sous le vent. Lulu renifle. Les tiges de maïs font deux fois sa taille.
Son père n’est pas près de le retrouver. Peut-être ne le cherchera-t-il même pas.
Le père frappe, la mère ne dit rien, les sœurs sont parties, Lullu déguste. Pour rien, des broutilles. C’est pas Lullu qui va pas droit, c’est le père. Ça a commencé quand les cerisiers ont gelé, puis quand l’ainée, Nicole, est partie avec un gars de la ville.
 Un jour, sa mère n’a plus embrassé personne, comme elle le faisait chaque matin, et à partir de là, ça a empiré. C’était en juillet, Lullu partait se cacher dans le bois derrière la ferme, le bois aux biches; il n’est pas rare d’en croiser une. Voir une biche le console, c’est comme ça. Même si ce n’est que quelques secondes, l’animal à peine entrevu fuyant dans les fourrés.
Quand les maïs ont été assez haut, il est venu s’y réfugier, c’était aussi une bonne cachette. Il y croisait plutôt des perdrix ou des faisans. Il appelait le champ, Le Vallon aux Perdrix. Quand  en le voyant sortir, sa mère lui demandait: où vas tu encore? Il répondait : au vallon aux perdrix! Il n’y a que lui qui savait de quoi il s’agissait.
Lullu renifle. Cette fois ci, il a eu très peur. Son père hurlait comme jamais.
Lullu cueille un épis avec quelques feuilles sèches. C’est un nouveau né ébouriffé qu’il berce, il le rassure. Il compte les grains sur son corps. Lui, il a un grain de beauté sur la poitrine, à gauche, un autre sur l’avant bras droit, et un sur la joue. Il en a peut-être dans le dos, mais il ne les voit pas, et il  n’y a pas grand monde pour lui compter les grains maintenant.
Lullu ne pleure plus, mais il est inquiet. Bientôt, on récoltera le maïs,  et dans le bois, les arbres perdront leurs feuilles. Où ira-t-il se cacher?

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