Le chien
(Montsinery, Guyane, 7 avril)
Il l’avait retrouvé sur le bord de la piste. Le vieux chien se trainait en gémissant, le train arrière pulvérisé, laissant une large trace sur la terre rouge. Il l’avait pris dans ses bras, délicatement. L’animal l’avait reconnu, il s’était laissé faire. Bastien s’était enfoncé dans la forêt, là où personne ne viendrait, le chien n’avait jamais semblé aussi lourd.
Bastien s’était arrêté au pied d’un haut fromager, une liane tortue s’élançait vers la cime. La pluie crépitait sur les feuilles, les grenouilles coassaient, les oiseaux se taisaient.
Le chien regardait Bastien, deux yeux vairons suppliant. Bastien aussi avait les yeux vairons, l’un bleu, l’autre marron. Homme et bête compagnons d’infortune depuis si longtemps.
Bastien a caressé le chien, puis il l’a serré dans ses bras, fort, de plus en plus fort. Après un léger soubresaut, son ami a cessé de respirer.
Bastien n’avait jamais fait une chose comme ça. Il fut surpris de sa détermination et de sa force.
Il a déposé l’animal au pied de la liane et l’a recouvert de larges feuilles.
Il est resté là longtemps. La pluie coulait sur son visage, dans sa bouche, l’eau était douce.
Quand la pluie a cessé, il est reparti. Sa chemise trempée collait au corps. Il y a des gestes qu’on oublie jamais.
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