À quinze ans
(Biarritz, Côte des Basques, 26 mai)
Nos mobylettes étaient des Peugeot 101 ou 102, des Motobécane bleues, des Honda au son si caractéristique. Il y avait ceux qui se rêvaient pilote de course et resserraient les guidons, ceux qui se prenaient pour Peter Fonda dans Easy Rider et les ouvraient au maximum. Les casques étaient facultatifs, nos cheveux longs dans le vent étaient des étendards.
Nous portions des vestes de surplus militaire, des jeans rayés à pattes d’éléphant, des sacs de l’armée en bandoulière, nous fumions des gauloises, nous vidions le bar des parents, nous étions insouciants, nous imitions nos ainés qui avait fait la révolution, nous avions quinze ans.
C’était en 1970, le lycée devenait mixte. À un âge où on ne pense qu’à ça, nous devenions fous.
Après les cours nous nous retrouvions devant le lycée, filles et garçons. Il y avait Jean-Philippe, Gilles, Sophie, Christine, Diane, Nelly et moi. Souvent quand l’un d’entre nous voulait sortir avec une fille, celle-ci en désirait un autre. C’était comme ça, pas plus grave que ça.
Nous allions chez Christine. Elle habitait près du lycée et avait aménagé sa cave en boite de nuit.
Nous écoutions Procol Harum, A Whiter Shade of Pale. Combien de slow ai-je dansé sans savoir où poser mes mains.
À quinze ans on est le roi, on croit tout savoir, mais quand il s’agit d’intimité, on est bien maladroit.
Nous lisions Emmanuelle, Histoire d’Ô, le Château de Scène, nous feuilletions des revues piquées à nos pères, Lui, Penthouse, nous découvrions nos corps, mais c’était toujours compliqué de dire je t’aime à une fille.
C’est si facile quand on a cinq ans ou soixante ans, mais à quinze ans…
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