Le souffleur de verre
(Vaucresson, 18 mai)
La pluie avait cessé. Un double arc-en-ciel enjambait le village. Jeanne est sortie, pieds nus, petits pieds veinés aux ongles jaunis. Marcher ainsi dans l’herbe humide de son jardin soulageait ses douleurs de vieille dame. Roses, iris et soucis s’ornaient de perles d’eau. L’herbe était fraîche. Un rayon de soleil lui effleura la joue, descendit au creux du ventre, où se logeait la mémoire de son premier amour.
Une enfance malmenée avait verrouillé les portes de son désir. C'est un souffleur de verre de Murano qui l’avait éveillée. Elle avait trente ans. Ce sont ses baisers qui furent les clés, des baisers électriques qui s’attardaient aux creux les plus intimes, les baisers d’un souffleur de verre patient et attentionné.
Leur histoire fut brève mais fulgurante, Jeanne naquit à trente ans à Murano.
Immobile dans son jardin, Jeanne observait l’ourlet des pétales.
Allant vers ses 80 ans, le souvenir de ses amours devenait de plus en plus fréquent. Sa vie d’avant Murano avait été effacée. Jeanne allait de plus en plus légère.
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