vendredi 11 décembre 2020


L'instant du départ

(Saint-Jean-de-Luz, Pyrénées Atlantiques, 27 juin, 6h)

Chaque fois il ouvre les yeux juste avant que le réveille ne sonne. Il ne bouge pas. Il évalue l’heure à la clarté de l’aube qui filtre à travers les rideaux. Il écoute la respiration de sa compagne. Le lit est chaud. Il faut s’en extraire. Plus il vieillit, plus il est difficile de quitter le confort d’une tendre nuit. Pourtant il sait combien est grande la joie du départ. Le son régulier du moteur quand la ville dort encore, mettre le cap au nord, où tout est possible dans la brume au delà des digues.

Dans l’instant du départ tant de vie se concentre dans l’élan vers l’inconnu.

Dans l’instant du retour tant de vie se concentre dans l’élan vers les siens.

Un jour, on lui dira tu es trop vieux. Mais non, il ne sera jamais trop vieux. Il s’imposera une discipline, il réglera toujours son réveil à six heures pour ouvrir les yeux avant qu’il ne sonne. Il ne sait déjà plus à quoi ressemble la sonnerie, l’a-t-il même déjà entendue? Par contre jamais il n’oubliera le bruit de la nuit qui s’en va, un froissement de draps, un souffle, les premiers oiseaux.

Et il partira, de moins en moins loin, de moins en moins longtemps, mais il partira, il ira vers la brume, là où il y a encore à découvrir.

Jusqu’au dernier voyage, il cultivera cette joie du départ. 

1 commentaire:

  1. Marvelous. A special feeling for me as I still wanted to get up and go when I retired. It took a long time for that to ease...

    RépondreSupprimer