Une paire de bottes mexicaines
Conte de Noël
(Travaillan, Vaucluse, 29 décembre, 17h)
C'est quoi ton nom?
Jo.
Jo comment?
Jo.
Jo avait baissé la tête, le gars avait souri.
Jo n’avait pas une tête à s’appeler ainsi. La peau sombre, les cheveux noirs et bouclés, la crasse incrustée sous les ongles et dans le creux des rides. À vingt sept ans il en faisait dix de plus. La route avait été longue jusqu’ici. Jusqu’à ce qu’un gars lui sourit, lui donne trois grosses couvertures, une paire de bottes mexicaines, un toit, et peut-être bien un boulot.
Jo comment?
Jo.
C’est une réplique de film avait dit le gars. Jo avait relevé la tête et acquiescé. Alors le gars était allé chercher les bottes, des santiags noires surpiquées western aux talons biseautés, et les couvertures, puis il l’avait conduit à une caravane au bout d’un champ.
Tu sais tailler les arbres?
Oui.
Alors reviens me voir demain matin sept heures, j’ai peut-être du boulot pour toi… Jo.
Le gars avait prononcé son nom à l’américaine, comme lui même l’avait prononcé lorsqu’au village, après le passage d’un cinéma ambulant qui passait de vieux westerns, il avait dit à ses potes et à sa famille que désormais il s’appelait Jo et qu’il partirait un jour. Beaucoup s’étaient moqués de lui. Le gars lui, ne se moquait pas, sûr.
La caravane était propre, malgré qu’il n’y ait ni eau ni électricité. Des rideaux de tissu provençal aux fenêtres, une table, une banquette, un petit évier, un frigo entrouvert, un coin wc et un coin lavabo douche, et au fond un grand lit avec un matelas de mousse. Au dessus du lit était accrochée une image de la nativité aux couleurs criardes, cerclée de fleurs rouges. Sur la table il y avait un pack de bouteilles d’eau et quelques bières. Le luxe!
Il n’y avait rien à bouffer, mais Jo n’avait pas faim. Il était trop crevé, il n’aspirait qu’à dormir jusqu’au matin, avant d’aller travailler, enfin.
Il balança ses baskets élimées dans un coin, rangea la paire de bottes au pied du lit, afin qu’il puisse garder un oeil dessus avant de s’endormir, il s’étendit sur le matelas de mousse, se couvrit des trois couvertures et les remonta jusqu’au menton. Il lui semblait entendre un cliquètement. Ce n’était pas les grelots du chariot du père Noël, oh non, juste le cliquètement des éperons de l’homme des hautes plaines s’avançant sur le parquet du saloon.
Dès que je touche ma première paye j’achète du cirage pour mes santiags.
Il parla à haute voix en regardant les bottes de cuir patiné, à la semelle à peine usée aux talons.
Et il ferma les yeux en pensant à son grand-père qui lui disait: La chance, ça s’entretient.
Toujours aussi bon, Pierrot.
RépondreSupprimerBises et bonnes fin de maudite année !!
Merci Christian, belle année à toi.
SupprimerYes--- The end of the damn year. But stay safe.
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