De Navoï à Paris
(Nerbis, Landes, 2 février 2018)
Ils sont quatre ou cinq, à peine, emmitouflés, la planche à dessin sous le bras. Ils font les cent pas sur la place du Tertre déserte. Depuis neuf mois le touriste se fait rare à Montmartre, les croqueurs de portrait gardent les mains dans les poches.
Zarif a la dalle, plus un sou en poche, rien à croquer. Il serre ses ciseaux au fond de sa poche trouée par la pointe. Zarif découpe en un tour de main le profil des touristes sur du papier noir, c’est l’un des meilleurs, Zarif, l’ouzbèke, coiffé d’une toque d’astrakan qu’il ne quitte jamais de tout l’hiver. Peut-être bien qu’il va falloir la vendre sa toque, pure laine de karakul, il pourrait en tirer de quoi bouffer deux semaines. Par contre il ne vendra jamais ses ciseaux, ni la machine à affûter qu’il s’est offerte après une merveilleuse saison il y a deux ans, peu après son arrivée en France. Zarif dit en rigolant qu’au pire il pourra toujours se trancher les veines, ou braquer un banquier ciseaux en mains.
Pour garder la main, Zarif découpe ses souvenirs, chaque instant de la route qui l’a mené d’un taudis de Navoï en Ouzbékistan à la place du Tertre à Paris, il découpe ses souvenirs dans de vieux journaux ou du papier d’emballage. Ces dernier temps il a pu faire provision de papier cadeau.
Des dentelles de souvenirs qu’il plie soigneusement dans de grandes enveloppes. Des dentelles de souvenirs qu’il envoie à sa mère qui, lorsqu’il est parti, a détourné la tête pour qu’il ne voit pas ses larmes.
Des dentelles de souvenirs qui mises bout à bout iraient de Navoï à Paris.
Your story is in the Place du Tertre--- The image seems quite rural. But no matter. Once again, you few lines created cinematic images taking place in two very different places-- but with one lonely heart.
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