mardi 26 janvier 2021


l'Hibiscus des marais

(Ketmie des marais, Hibiscus moscheutos, Hendaye, 22 juillet 2018)

Un étendard frappé d’un cercle rouge claque dans le vent, un vent chaud qui rend fou.

Un jeune homme terrorisé se tient au garde-à-vous devant son avion, un Mitsubishi Zéro.

Une mère pleure à genoux devant un parterre de fleurs, Hibiscus des marais rouges et blancs.

Un père aussi fier que désespéré serre dans son poing une lettre froissée, je vous aime à l’encre noir.

Le jeune homme va mourir. Il fermera les yeux avant l’explosion de son appareil sur un navire américain. Il ne l’a pas choisi. C’est un ordre. L’ordre de tuer et de se tuer.

Et puis il y a un champ de coquelicots qui dansent dans le vent du sud, le vent des désirs et des folies.

Il y a le bruissement de la jungle tropicale sur une île battue par les vagues de l’océan Pacifique.

Il y a le visage d’un nouveau né coiffé d’un bonnet blanc à pompon jaune, une bouche en cœur qui cherche le sein gonflé.

Il y a l’été avec l’abeille aux pattes chargées de pollen qui tourne autour de la fleur, qui en escalade avec avidité le centre jaune et odorant.

Il y a la beauté, la lumière au travers des pétales, quelques poils hérissés  sur l’avant bras d’une jeune femme caressé d’un doigt, les yeux fermés des amants côtes à côtes, tout ce qu’il y a d’invisible derrière les paupières amoureuses.

Et puis il y a le pire, Hiroshima et Nagasaki, un geste, les ruines, un corps qui perd sa peau.

Ou peut-être n’est-ce pas le pire? L’homme invente et réinvente.

Et puis il y a l’enfant qui ouvre les yeux, qui coure, qui goûte la fleur rouge, en ouvre les pétales comme le papier d’un bonbon.

Il y a tant d’images dans une fleur, une Ketmie des marais, un Hisbiscus moscheutos, une grande fleur rouge en son cœur. 

La joie à hauteur de l’effroi, l’inquiétude au revers du sourire. 

C’est ainsi. 

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