mardi 20 octobre 2015


Les lettres


Juste là, devant, hors champ le carbet de Jean. Jean est là, légèrement fiévreux, assis à une petite table de palissandre. Il peut rester là des heures. Alors, d’un geste lent, répétitif, il caresse le bois, il en reconnait la texture, il en distingue le parfum parmi les milliers d’effluves tropicales.
 Aujourd’hui il doit écrire aux administrations, répondre à leurs demandes pressantes. Il ne pensait pourtant pas qu’on irait le chercher jusque là. Sur la table un stylo, un bic jaune, le moins cher, et un cahier . Difficile de garder du papier dans ses régions trop humides, mais un voyageur de passage lui a laissé quelques carnets pour le remercier de ses histoires contées aux cours de leurs promenades.
Mais Jean ne peut pas. Déjà à ses pieds gisent des  dizaines de feuilles froissées, en boule. Madame, monsieur, monsieur l’inspecteur, monsieur le représentant de … Jean reste immobile. Il ne touche même plus au stylo. Il ne bouge plus, fasciné par cette femme là bas, immobile elle aussi, qui semble attendre. Non, Jean n’y arrivera pas. La seule chose qu’il sache écrire, ce sont des lettres d’amour…

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