jeudi 8 octobre 2015


Charles


Charles, assis sur un  bois flotté, très blanc et doux au toucher, regarde ce voilier échoué. Il sait qu’il ne repartira plus jamais. Un voyageur croisé au bar des Palmiste à Cayenne lui parlait de cette singulière et douce mélancolie que ressentaient autrefois les militaires en Indochine. Sans doute est ce la même chose ici. La mélancolie des grands fleuves. Charles est soudeur spécialisé. Il est arrivé en Guyane il y a quelques années pour l’installation de la base aérospatiale de Kourou. Les travaux achevés, il est resté. Il a bricolé, gagné trois francs six sous de ci de là. Il a même élevé des poulets, il a cessé lorsqu’un jour il s’est trouvé nez à nez avec un boa constrictor qui venait prendre son petit déjeuner. La même espèce qu’il a retrouvé un jour coincé dans un skimmer alors qu’il était piscinier. En ce moment il est gardien d’une petite réserve naturelle où le visiteur se fait rare. Il est tranquille là, il peut lire toute la journée. Les philosophes, il aime bien, même s’il ne comprend pas tout, actuellement c’est «  Sur la vue et les couleurs » de Schopenhauer. Bientôt il pourra prendre sa retraite, oh il ne touchera pas grand chose, mais il se satisfait de peu. Un carbet au bout d’une piste, quelques livres, et puis il y a Rosalie, très noire et douce au toucher. Rosalie, quand Charles la caresse, elle sait elle aussi qu’il ne repartira jamais…

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