lundi 24 juin 2019


Chrysler


(Forêt de Marly, Yvelines)

Fin de droits, cela sonne comme un glas. Et les dernières annonces du gouvernement sur le chômage lui noue les tripes. Quentin est à cran, encore une fois. Il faut qu’il sorte, qu’il court, qu’il gueule. Il enfile ses Nike, son short et son maillot aux couleurs du PSG, et fonce dans les bois. Il fait chaud, il transpire à grosses gouttes, les herbes hautes cinglent ses mollets, l’effort et le lourd parfum d’été chassent petit à petit les sombres pensées.
Le voici sous la voie ferrée. Il y a longtemps qu’il n’était pas passé par ici. Il s’arrête, essouflé. Son maillot est trempé. Une discrète odeur de shit flotte dans l’air, sans doute les jeunes gens qu’il a croisés il y a quelques instants, deux garçons et une fille qui chantaient « Balance ton quoi » D’Angèle, deux garçons et une fille qui se tenaient par la main et souriaient à l’avenir.
Quentin se souvient d’un morceau qu’il écoutait en boucle à dix huit ans, « Chrysler » de Dashiell Hedayat. Chrysler, il y a une Chrysler rose tout au fond de la cour, c’est là que je fais l’amour…
Quentin se souvient des nuits d’ivresses où l’on s’aimait sans savoir que quelques années plus tard il faudrait se méfier.
Quentin se souvient d’une scène du film Cabaret où Liza Minnelli pousse un long cri sous la voie ferrée au passage du métro.
Quentin attend que passe un train. Il ferme les yeux. Quand le tunnel tremble, il hurle à pleins poumons. Puis il repart à toute allure. Remonter le temps ou foncer dans le futur, qu’importe, filer et ne penser à rien.

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