mercredi 19 juin 2019


L'averse


(Rose trémière, Vaucresson)

Le vent vient de se lever. La porte bat. Alma s’ennuie. Allongée sur le lit, elle lit les Oiseaux de Tarjei Vesaas. Elle lit en diagonale, n’arrive pas à se concentrer. Parfois après avoir lu une page, n’ayant rien retenu, elle la relit immédiatement. Souvent elle change de position, le lit grince.
Elle pose le livre, remonte sa robe sur ses cuisses blanches marbrées par endroits de minuscules vaisseaux éclatés. Elle se caresse un instant, cesse aussitôt, reprend son livre.
Soudain l’orage éclate. Une violente averse s’abat sur la maison, fait ployer les roses trémières dans le jardin, stoppe les insectes volants dans leur élan. Alma se lève précipitamment, ferme la porte et les fenêtres. Les premières gouttes ont déjà mouillé le parquet de chêne. En quelques secondes la maison devient sombre. Alma regarde tomber la pluie, le ciel s’abandonne, Alma écoute la rumeur de l’eau qui claque, Alma frémit, l’eau coule sur la vitre, la gouttière déborde, un chat se terre dans un recoin.
Cela ne dure que quelques minutes. Le soleil revient, fier, les fleurs ont résisté, le chat s’en est allé.
Alma retourne à son livre et cette fois-ci ne le lâche plus:
« …
Dans le fossé boueux, il y avait des empruntes légères de pattes d’oiseaux, et puis quantité de petits picotis ronds et profonds dans la terre marécageuse. C’était la bécasse qui était passée par là. Les trous profonds avaient été faits par le bec de l’oiseau à la recherche de quelque chose de mangeable, et parfois c’étaient seulement de petits picotis: c’était son écriture.
Mattis se pencha et lut. Regarda les légères empruntes dansantes. L’oiseau est si léger, si beau, pensa-t-il. Mon oiseau marche si légèrement dans le marécage quand il est fatigué du ciel.
Tu es toi, voilà ce qui était écrit.
… » (ext: Les oiseaux de Tarjei Vesaas, traduction Régis Boyer, éditions Plein chant)

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