mercredi 12 juin 2019


Marcel


(Saint-Céré, Lot, 11 juin)

Marcel est bien trop gros. Il y a longtemps qu’il ne sort plus. Il serait bien incapable de descendre et remonter les escaliers. Il va  de la télé à la fenêtre, trois mètres, du lit aux toilettes, cinq mètres, du fauteuil au frigidaire, six mètres cinquante. Rosalie lui apporte à manger, aujourd’hui de la saucisse sèche, du fricandeau, des lentilles aux petits oignons, du fromage de chèvre, du pain et des pèches, triple portion bien sûr.
Marcel s’est fait à cette vie de gros chat enfermé, il se prélasse, il attend sa pâtée, et ne refuse jamais une caresse. Rosalie a la main douce, elle sait y faire avec les solitaires.
Ce soir Marcel a bien mangé, Rosalie est restée un peu plus longtemps, le temps d’une chanson.
Marcel est à la fenêtre. Il grimace. Ce sont juste quelques mouvements de langue pour décrocher un morceau de viande coincé entre ses mauvaises dents.
Rosalie l’a embrassé avant de partir, c’est un bon jour, elle ne le fait pas toujours. La lumière est belle, une lumière d’orage. La pluie va tomber, couler sur la fenêtre, et tout deviendra flou. Pour l’instant , le ciel se retient, immobile. Quand lui se retient, il se tortille dans tous les sens. 
Les fenêtres en face sont bien nettes. Les volets fermés. Ça fait plusieurs jours qu’ils sont fermés. Il y a d’abord eu les volets blancs, deux jours après, les volets bruns. Soudain Marcel est inquiet.
Et si le village se vidait petit à petit, s’il ne restait plus que lui?
Il faudra attendre le lendemain, le retour de Rosalie pour que se calme le cœur fragile de Marcel.

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