Le lait
(Parc naturel d’Aiako Harria, Espagne)
Quand le vieux Joseph a pris sa retraite, il a gardé une vache. Il a quitté la ferme pour s’installer définitivement dans sa petite maison ocre en bas du village.
Un potager, une vache, quelques poules, ce qu’il faut pour vivre.
Alice, sa femme, est très vite devenue impotente, muette, aphasique, incapable de marcher, elle qui avait tant donné au côté de Joseph. Une infirmière venait chaque jour pour les soins, petits moments où l’œil polisson de Joseph se réveillait.
Joseph n’avait rien dit à personne pour la vache, de toute façon il n’y avait plus grand monde au village. Il la gardait dans un petit hangar attenant à la maison, la faisait paître alentour.
Chaque soir, assis sur le petit tabouret de bois à trois pieds, après avoir noué la queue de la vache à une de ses pattes, le front contre le ventre chaud de l’animal, un trayon dans chaque main, il faisait jaillir le lait, les jets blancs résonnant en rythme dans le seau de fer blanc.
Quelques gestes que faisaient son père et son grand-père, quelques gestes qui étaient sa raison d’être.
Et chaque matin il y avait du lait frais pour lui et sa vieille Alice qu’il fallait désormais faire boire.
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