Les pièces
(Sur une aire de repos, Autoroute A 20, entre Limoges et Paris, 15 juin)
Les pièces étaient posées là sur la table de pierre au bord de l’autoroute. Des pièces inutilisables.
Posées comme au fond des fontaines porte bonheur. Elles dessinaient les contours d’un département, Creuse ou Aveyron, un département à la vie dure, un département dépeuplé.
Mon premier réflexe fut de les ramasser. Quelle valeur, qu’en faire? L'ébauche d'un geste, aussitôt retenu. Elles semblaient me raconter autre chose, brillantes parmi les éclats de céramique.
Une poignée de pièces que l’on cache sous le matelas, qu’on oublie, que quelqu’un trouve des années plus tard. Une poignée de pièces quémandées sur les trottoirs. La monnaie que l’enfant à le droit de garder lorsqu’on l’envoie faire les courses. Les pièces que l’on glisse sans fin dans la machine à sous jusqu’à ce qu’elle ait tout mangé. Les pièces que l’on compte une à une, le doigt sur le métal froid, à la fin du mois. Les pièces qui tintent dans la tire-lire du gamin. les pièces qui pèsent dans le tronc de fer blanc du quêteur de la croix rouge. Les pièces que l’on glisse dans une fente pour un cierge et quelques souhaits. Les pièces qu’on lance, à pile ou face, quand on ne sait pas choisir.
Plus je les regardais, plus le dessin d’une carte se précisait. La carte d’un pays où on ne peut aller qu'après s’être délesté de tout.
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