Cochon pendu
(Vaucresson, 9 novembre, 16h 10)
Rick fait le cochon pendu.
Quand il a le cœur à l’envers, quand il a perdu au jeu, quand il a des idées noires, quand la goutte l’empêche de marcher, quand il a envie de cogner, il se pend par les jambes.
Il fait ça depuis toujours. Lorsqu’il était enfant, il y avait au fond du jardin un grand portique vert un peu rouillé auquel étaient accrochés une balançoire, une corde à nœuds et un trapèze. Contrairement aux autres enfants, il ignorait la balançoire. Ça balançait déjà suffisamment en dedans de lui. À la moindre contrariété, que ce soient des moqueries, un désaccord familial, un chagrin trop lourd, il se pendait au trapèze la tête à l’envers et restait ainsi jusqu’à ce que l’afflux de trop de sang lui donne la migraine. Il était plus aisé de parler dans cette position, de se défaire du trop plein. Les mots s’en allaient vers le ciel plutôt que de tomber sur ses chaussures.
Le vieux Rick est contrarié. Cette fois ci il ne sait pas bien pourquoi. Comme s’il habitait une vieille maison où toute la plomberie se mettrait à fuir. Chaque brèche colmatée, une autre réapparaitrait. Il n’est plus très sûr d’être fait pour ce monde là.
Le vieux Rick fait le cochon pendu à la barre de bois tenue par deux épaisses cordes de chanvre nouées à une solide branche du noisetier. Les arbres lancent des nuages pour attraper les perruches, les maisons se penchent les yeux grands ouverts, les feuilles mortes montent vers lui, son cœur se remet à l’endroit et le voisin qui est un râleur invétéré marche sur la tête en battant des bras.
Rick fait le cochon pendu et ça va mieux.
Il salue le voisin et l’invite à se pendre à ses côtés, la barre est assez longue.
I like this picture very much. It does seem as if the trees are reaching with the clouds...
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