vendredi 6 novembre 2020

 

Un fruit mûr

(Amiens,  Somme, 29 septembre, 16h)

Parfois je rêve en noir et blanc.

C’est qu’il n’y a que deux alternatives,

avancer ou reculer.

Alors j’avance avec la gourmandise d’un ver qui creuse dans un fruit mûr.

Suinte sur les parois du tunnel le parfum d’une terre que mon corps reconnaît.

C’est une terre qui s’accroche aux semelles, 

se dépose sur les planchers des maisons quand elle sèche,

une terre pour les grands arbres, une terre de démesure,

une terre de courses folles et de caches au sein des fougères.

J’avance dans le noir profond, mes yeux s’agrandissent.

Il y a une plaine qui se heurte aux montagnes,

des trainées de brumes qui s’accrochent  aux pics,

un chemin en lacets et des arbres tordus par le vent.

De l’autre côté il y a la mer, des galets qui chantent,

qui disent que ce n’est jamais fini.

Apparaît une forêt aussi dense que l’intérieur du fruit.

Plus je creuse, plus c’est chaud et doux,

une caresse ancienne que je croyais n’avoir jamais connue,

une main posée sur l’enfant qui n’est pas encore né,

une tendresse inouïe propice à toutes les réconciliations.

1 commentaire: