La cibiche
(Marnes-la-Coquette, 13 novembre, 15h 50)
Assis sur un banc au bord de l’étang un vieil homme roule la cigarette qu’on veut lui interdire.
D’une blague de cuir noir posée sur ses genoux, il sort quelques brins qu’il dispose méticuleusement sur la fine feuille de papier. La cigarette ne sera pas trop épaisse, il faut économiser le précieux tabac qui lui coupe la faim et lui allège la tête. Il roule longuement sa clope entre ses doigts, jusqu’à ce que le cylindre soit parfait. Il passe sa langue sur la bande gommée du papier, un aller et retour, puis il y a ce discret mouvement de lèvres sous la moustache jaunie, comme s’il appréciait le collant de la feuille. Il arrache les minuscules brins qui dépassent, tapote le bout de la cibiche sur le dos de sa main gauche, la regarde puis la glisse entre ses lèvres. Il ne l’allume pas, il reste longtemps ainsi les yeux clos, le temps qu’il faudrait à la cigarette pour se consumer. Puis il l’écrase entre ses doigts, laisse le tabac brun se mêler à la terre, et déchire le papier en tout petits morceaux, enfin il renverse la tête en arrière avec un intense sourire de satisfaction.
Sur l’autre berge, une jeune femme qui l’observait depuis un bon moment dissimulée derrière un arbre hoche tendrement la tête de gauche à droite.
Pierre, your tiny stories are so incredibly evocative! Each one is like a film.
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