L'arbre qui dit non
(Sur les pentes sud du Xoldokogaïna, Biriatou, Pays Basque, 14h 30)
L’arbre est noir. Il ne veillera plus sur le passage. La montagne a brûlé. Geste malveillant ou écobuage malvenu par fort vent du sud, des pans entiers de bois et buissons sont calcinés.
Le printemps a un parfum de cendres.
C’était il y a un mois. Les fumées montaient si haut que Peyo les apercevait de son bateau. Il était loin au large du Cap du Figuier, pour les chipirons. Aussitôt il a pensé à son arbre, pas celui-ci, un autre, à l’écart, entouré de quelques rochers, pas fier, un peu rabougri, mais bavard, amical, un arbre au pied duquel il fait bon s’aimer en faisant des vers.
Quand il ne pêche pas, Peyo court la montagne. Combien de fois est-il venu au pied de cet arbre! Il y a fait sa demande en mariage, il y a conduit sa fille, il lui a raconté l’histoire de la lune qui roule sur la Rhune, il y conduira son petit fils dès que celui-ci tiendra sur ses jambes, il lui racontera l’histoire de l’arbre qui dit non, l’arbre qui résiste, qui se refuse aux flammes vives.
Oui, son arbre à tenu. Le lendemain de l’incendie Peyo est monté là-haut. La terre était encore fumante, l’odeur acre, une carcasse de pottok gisait en travers du chemin, les oiseaux avaient disparu. L’arbre sur le bord du sentier était noir, mais le sien, à l’écart, était encore clair. Son pied seul était un peu noirci. Tout autour les rochers étaient sales de suie, les genêts desséchés étaient d’un jaune pisseux, ça et là se dressaient des tiges noires sans feuilles, mais son arbre était intact.
Ce jour là Peyo n’est pas resté. Tant de noirceur lui faisait mal au cœur. Il n’avait rien à dire à son arbre, et celui ci restait silencieux, pas un craquement. Des hommes avait mis le feu, Peyo devait se décrasser de cette honte avant de revenir.
Nous sommes au troisième jour du printemps, pendant un mois Peyo a regardé la montagne de loin, en mer, jusqu’à ce qu’il se sente capable de gravir à nouveau la pente.
Peyo n’est pas seul, il est monté avec Ana, sa femme.
Une herbe vert tendre perce déjà la terre noire. Aux branches des survivants paraissent les premières feuilles. Quelques oiseaux déjà reviennent. Des filets d’eau coulent entre les pierres, doux murmure. Le ciel est dégagé.
Peyo et Ana sont assis au pied de l’arbre qui dit non.
Ils sont immobiles, silencieux, ils regardent loin devant eux, les montagnes jusqu’en Espagne.
Ils écoutent.
It's horrible to see when the land burns-- but the beginning of healing is almost immediate. We take a little longer than the land.
RépondreSupprimerMerci et belle journée Marie - Pierre
RépondreSupprimer