jeudi 4 avril 2019


Chapelle Sixtine


(Saint-Laurent-du-Maroni,  Guyane, camp de la transportation, 2 avril)

Dans la cellule 23, le matricule 49201, allongé sur une planche, la tête posée sur un morceau de bois dur taillé en biseau, le pied entravé par une lourde manille de fer, regarde fixement le plafond.
Jean n’a fait que deux voyages dans sa vie chaotique. Le premier, c’était à Rome pour son voyage de noce avec la sulfureuse Rita. Rita servait au Eddy’s Bar à Montmartre tandis que Jean y préparait ses coups entre deux verres. Ils leur fallait du feu, des alcools forts et des nuits sans fin. Ils étaient fait pour s’aimer. Rita a explosé un soir d’été, ivre, chutant lourdement d’un toit de zinc où il fêtaient leur dernier casse en regardant dormir Paris.
Le deuxième voyage fut pour le bagne.
Rita disparue, Jean s’est mis à faire n’importe quoi, jusqu’à se faire prendre bêtement. Il s’est endormi complètement cuit dans le lit a baldaquin d’un sous préfet après être entré par effraction dans cette somptueuse demeure où les ors et les velours vous étourdissaient.
Le deuxième voyage. Saint-Laurent-du-Maroni. Peut-être bien le dernier.
Dès que la lumière pénètre dans la cellule, Jean fixe les murs, le plafond, la peinture écaillée, les différentes couches de badigeons. Il reconstitue le plafond de la Chapelle Sixtine. Ils se souvient avoir longtemps regardé les fresques après avoir fougueusement embrassé Rita sous le regard désapprobateur du garde.
Il gratte sa mémoire en quête du moindre détail. Il voit les corps charnus, les trompettes, les étoffes en volutes colorées. Chaque jour reviennent de nouvelles scènes. Peut-être les invente-t-il. Nombre de ces corps ont le visage de Rita.
C’est ainsi qu’il tiendra le coup.


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