De guingois
(Suriname, 31 mars)
Il est tard, les yeux piquent. J’ai passé la journée à Gramat dans le Lot avec un groupe de handicapés, autistes et aveugles avec qui nous préparons un spectacle. Nous y parlerons d’amour, c’est l’amour qui me fait courir d’un bout à l’autre du pays. Ce sera une noce, un tableau de Chagall, ils y voleront en procession.
Après la répétition, j’ai repris la route vers le Pays-Basque. 400 kilomètres de vert tendre, après le vert sombre des forêts guyanaises. Vert et mauve, c’est le temps des lilas et des glycines. Je suis arrivé à la nuit, on ne voyait pas la mer. En descendant de voiture je fus cueilli par un délicieux parfum de Pittosporum. Dès l’aube j’irai voir la mer et guetter les vagues.
Il est tard. Je vais aller dormir, mêlant les images de Guyane et le jeu de mes compagnons du jour. Des compagnons de travers, un peu à l’envers, de ceux que l’on pense inutiles, qui ne produisent rien d’autre qu’une tendre poésie. Adrien me dit: « J’aime bien quand ça hurle, ça me fait rire, ça me fait chanter, ça grelotte dans le coin. » ou encore: « faut pas se faire enturlupé. Quelqu’un qui turlupe, c’est quelqu’un qui fait de la turlupation, qui passe à la télé. »
Je les aime ces gens de guingois, comme j’aime ces baraques bricolées, un peu bancales. Celle-ci se trouve dans un village noir-marron dont j’ai oublié le nom, sur les rives du Maroni.
Il est tard, je vais pousser la porte, prendre garde à ne pas déranger la grosse araignée qui loge sous le plafond près du chambranle, je vais dormir dans cette pièce de peu où tous les rêves sont permis.
Bonne nuit ! (en retard, mais c'est valable pour n'importe quelle nuit, dirait fort justement l'araignée.)
RépondreSupprimertu es un formidable raconteur d'histoires. Tes chroniques guyannaises m'ont ravi. Bises, l'ami
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