mardi 7 juillet 2020


L'enfant sur la balançoire


(Garches, Hauts-de-Seine, 5 juillet, 18h 40)

La balançoire grinçait. Une balançoire trop petite pour l’enfant penché en arrière.
Un grincement rythmé, entêtant. C’est ce grincement qui m’a fait revenir sur mes pas. J’étais passé sans prêter attention à ce terrain de jeu. J’ai fait une photo, une seule, avec mon I.phone, une photo volée. L’enfant m’a regardé puis il a rejeté la tête en arrière en se balançant plus vivement. Son attitude, sa solitude, m’ont pincé le cœur.
L’enfant porte des bottes en caoutchouc alors qu’il n’est tombé que quelques misérables gouttes de pluie.
Je n’inventerais pas encore l’histoire d’un enfant solitaire.
Il y en a tant qui guettent la pluie pour étrenner leur bottes toutes neuves dans les flaques.
D’autres n’ont que ça à se mettre aux pieds, été comme hiver.
L’enfant porte sa casquette haute sur le front.
Casquette, bob, bonnet, capuche, feutre ou tête nue, il y a la coiffe qu’on nous impose, pour nous protéger, puis celle qu’on choisira une fois devenu grand pour affirmer son identité.
L’enfant est seul, au centre de l’image. C’est sa place.
il y en a tant qui sont une fois partis en courant, la gorge nouée, pour s’isoler, maugréant contre une injustice absolue.
D’autres, à l’écart, sur une balançoire ou sur un arbre, devenaient les rois d’un monde connu que d’eux seuls.
Parfois le même maugréait quelques instants puis devenait en un clin d’œil un bienheureux souverain en son pays.
Il faut une vie pour trouver sa place, et encore….
Parfois on la trouve un bref instant, sans l’avoir cherchée. On est parfaitement bien là où on est. Il y a une évidence, rien d’autre.
Je ne suis pas sûr que nous ayons chacun une place définie, en tout cas surement pas définie par le bon vouloir d’autres. Sans-doute le mot ne convient-il pas. Ne faudrait pas plutôt parler de position à un moment donné, ce qui alors tiendrait compte de l’inter-action de toutes choses?
J’ignore tout de cet enfant si ce n’est qu’il est là.

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