mardi 21 juillet 2020

L'histoire de Miguel

 

(Merigon, Ariège, 9h)

Un ciel pur, un village désert, trois hirondelles autour du clocher et quelques notes d’harmonica.
Je m’attendais à voir là haut apparaître un mexicain vêtu de blanc son fusil pointé vers le gringo.
Il y avait trois maisons aux portes d’entrée munies de rideaux anti mouches. Je me sentais observé derrière les lanières colorées. Un homme est sorti, lentement, écartant de sa canne les lamelles de plastique. Il s’est approché, il  m’a dévisagé puis, après un long silence, il m’a parlé.

-  Vous connaissez l’histoire de Miguel?
    L’avait marié la Toinette de Joseph. Un bon gars, un peu cossard, mais un bon gars.
    L’a pris une balle à Bab el Oued. Dans le dos. C’est c’qu’on dit. L’est rev’nu en chaise roulante.
    L’avait les jambes au mitard, mais l’avait la pension. 
    L’avait les jambes au mitard mais  l’braquemart en état. 
    Avec la Toinette, ils ont fait deux mioches, Marylin et Gédéon.
    Gédéon, il a fait la fanfare aux armées, l’avait l’ouïe fine pour la trompette.
    L’a marié la Josette de Bernard. Ils ont eu un p’tit. Miguel, comme son grand-père.
    L’est né à onze heures du soir en juillet. Y’avait qu’une moitié d’lune.
    L’Gédéon il a sonné la trompette.
    Et l’vieux Miguel l’était tellement fier qu’on l’a vu s’lever de sa chaise, marcher jusqu’à l’église, 
    monter par les toits jusqu’aux cloches et sonner le tocsin comme un fada.
    L’a réveillé les trois maisons. Tout l’monde l’a vu là-haut sous la d’mi lune.
    L’est r’descendu comme un chat.
    Pis y s’est r’mis sur son roulant et on l’a plus jamais r’vu droit sur ses cannes.

Je l’écoutais tout en regardant le clocher.

 -  Cherchez pas, y a pas d’escalier pour grimper là haut. C’est comme ça.

L’homme est rentré chez lui, plus vivement qu’il en était sorti. Il y a eu le froissement des lames de plastique, puis une voix aiguë.

-   Qu’est ce que c’était?

Et l’homme à nouveau:

-  Rien, un vacancier….

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