mercredi 15 juillet 2020



L'heure du dessert


(Hendaye, 21h)


C’est l’heure de la gaufre, du beignet, de la glace, l’heure du dessert.
On a mis une petite laine pour la fraicheur du soir, on va marcher sur la jetée comme tous les vacanciers.
Il y a le marchand de gaufres, le marchand de glaces, le marchand de churros, il y en a pour tous les goûts.
Les jeunes sont avec les jeunes, les vieux sont avec les vieux, les enfants sont avec leurs parents.
Il y a les solitaires, celui au pas irrégulier, qui observe, qui guette, l’autre qui va vite, tête baissée, définitivement seul au monde.
La plage est rangée. Elle sera ratissée au petit matin par un gros tracteur. Elle garde les traces de pas pour la nuit.
On marche, on papote, on se retrouve - Ah, bonjour, vous êtes arrivés, tout le monde va bien?-
On s’inquiète un peu plus que les autres années mais pas trop. Il ne faudrait pas gâcher les vacances.
On ne peut pas dire que l’on tienne ses distances, quelques uns portent des masques, très peu, ce serait presque un été comme un autre.
Il y aussi ceux qui promène le chien. C’est étrange comme souvent les chiens ressemblent à leur maître.
Il y a ceux qui restent assis sur les bancs, qui regardent passer les autres.
Il y a des gros, des maigres, des bronzés, des rouges pivoine, de nouveaux arrivants à la peau trop blanche, des petits, des grands, beaucoup de tatouages sur les bras.
Les jeunes filles ont mis leurs tenue de conquête. Elles vont souvent par deux.
Il y a quelques play-boys plus très frais qui n’intéressent plus personne si ce n’est le poète anthropologue.
Tout ce monde a plaisir à être là sans avoir rien d’autre à faire que de regarder se coucher le soleil.
Et pourtant c’est inimaginable tout ce qui se joue dans ces quelques heures entre chien et loup sur la jetée.
Enjeux amoureux, enjeux familiaux, enjeux existentiels, allons y, faites vos jeux!
C’est l’heure des photos, des selfies, seul, à deux ou plus. On prend la pause dans la lumière du couchant.
Même le plus sauvage a plaisir à venir là, à condition qu’il n’y ait pas une foule compact.
Juste être là avec ses semblables, inconnus, tous aussi différents les uns que les autres.
Ce soir j’ai mangé une gaufre à la cannelle, elle était délicieuse, j’étais d’humeur joyeuse.
Une femme d’un certain âge photographiait avec son téléphone un jeune homme immense, les mains sur les épaules de deux jeunes filles qui lui arrivaient à peine à la poitrine. Je lui ai dit: « Il ne rentrera jamais dans le cadre, votre appareil est trop petit! » Elle m’a répondu, heureuse et extraordinairement fière:  « C’est mon petit fils! »

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